Des soutiens sont en train de traduire notre brochure „Disrupt – résistance contre l’offensive technologique“. Ici d’abord l’éditorial.
Editorial
Le digitalisme, ou la promesse technocratique de salut par la connexion digitale, la mesure, le jugement et la valorisation de tous et de tout, est il vraiment la ligne directrice incontournable du développement économico-culturel des 20 années à venir ?
D’où vient notre dévotion face aux pionniers autoproclamés de la Silicon Valley ? Ont-ils résolu jusqu’ici des problèmes cruciaux ? Celui des réserves énergétiques ? Du climat ? Le problème du logement ? Celui des transports ?
Rien de tout ceci, ni même pas en partie ! Ils contribuent plutôt à leur aggravation. Ils valorisent purement et simplement des sphères de la vie qui ne sont pas ou peu exploitées – et cela avec des conséquences tout à fait disruptives. « Nous créons des produits sans lesquels on ne peut plus vivre » (Google). Au vu du buzz des modes de pensées technocratiques cela semble être vrai. Il est v aussi vrai qu’« ils résolvent des problèmes que nous n’avions pas. » (Capulçu)
Qui, mis à part des technocrates aveuglés, voit dans les programmes spatiaux de Tesla et d’Amazon une solution au danger que la terre ne soit plus habitable? Les deux entreprises privées veulent conquérir d’autres planètes en tant « qu´espaces complémentaires » modernes pour capitaliser sur le désastre écologique au lieu de travailler à l’éviter. A qui, mis à part Microsoft lui même, l’étude de Tay, le chatbot à l’apprentissage automatique qui « apprend » sans rime ni raison de ses „chat partners“ dans le forum de discussion et se révèle fan d’Hitler, apporte quelque chose ? Qui croit vraiment que l’on puisse en tirer des connaissances sur les mécanismes humains et sociaux menant à la croissance du populisme de droite ?
Qui, mis à part Google, Apple, Uber et l’industrie automobile en déroute à besoin de véhicules autonomes ? Avec un peu de conscience critique, nous rejetterions la conduite autonome dans les espaces urbains parce qu’inutile, insensée et dangereuse. Mais beaucoup la tienne pourtant dans un futur proche pour « inévitable » et pensent devoir trouver des réponses à des questions concernant l’éthique des robots auxquelles on ne peut pourtant pas répondre : qui, l’algorithme d’apprentissage automatique doit-il écraser quand une collision est jugée inévitable ? Le cycliste de 18 ans ou la piétonne de 67 ans ? L’algorithme prendrait-il une autre décision, si après une reconnaissance faciale il avait accès à l’actualité des deux condamnés à mort et savait qu’en tant que scientifique la piétonne va bientôt publier un travail important ? Qui du programmeur ou de la multinationale porte la responsabilité de cette décision ? Doit-il vraiment y avoir carte blanche sous la forme d’une caution du ministère des transports pour donner à l’industrie automobile et aux start-ups un avantage compétitif ? Qui évalue l’état des réseaux neuronaux artificiels d’apprentissage automatique qui rendent ces décisions peu prévisibles ? Quels sont les intérêts de cette évaluation ?
Vaines élucubrations sur la base d’un jugement illégitime accompagné d’une dévalorisation de la vie. Pourtant cela vaudrait la peine de faire quelques pas en avant. Par une simple analyse nous découvririons que beaucoup de ce qui nous est maintenant présenté en tant que futur inévitable, devrait être déclassé en tant que technocratie aberrante et rétrograde.
Déjà les procédés d’essais et de récusation basés sur la technologie produisent des effets et font partie intégrale de ce que nous nommons « l’offensive technologique ». Ceux qui se laissent aller à penser qu’il est possible de calculer qui est digne de vivre, comme dans le cas de l’accident du véhicule autonome, se sont déjà fait prendre au piège – quoiqu’il advienne de la conduite autonome. Le jeu d’esprit cité plus haut fait le tour des magazines et des talk-shows et fait la joie des apologues de la technologie. Il contribue à nous faire croire que le problème est d’une importance capitale pour l’ensemble de la société. « Ce sont les défis inévitables du progrès sur lesquelles l’humanité doit se pencher ! »
Il n’est pas anodin que, même à gauche, ceux qui critiquent cette époque si naïvement asservie à la technologie sont souvent stigmatisés et jugés réfractaires au progrès. Ceci avec le plus grand naturel.
Tout au début de ce volume nous voulons proposer un changement de perspective. L’opposition à ce que nous nommons « l’offensive technologique » ouvre des possibilités de modes de vie non capitalistes, de vie en société et d’utopies de longues portées dans la „contre vie“. L’adaptation en permanence de l’existence humaine à l’assistance digitale, aux prescriptions d’une intelligence artificielle réductive, représente à notre avis une réelle adaptation réactionnaire à la machine – pas le contraire !
Dans cette perspective progressiste (!) nous voulons aborder les sujets suivants :
• Les stratégies de „nudging“ des sciences comportementales avec leur subtiles façon d’influencer décisions et comportements en tant que domaine d’application rapidement croissant de la physique sociale ;
• L’utilisation de Big Data dans les campagnes politiques pour la manipulation ciblée entre autres des élections ;
• L’effet normatif et disciplinaire d’un Rating et Scoring omniprésent et la contrainte d’auto-socialisation par peur d’être (socialement) laissé pour compte ;
• La stratégie du modelage participatif ainsi que la disposition répandue de considérer que cette liberté entravée nous laisse une marge suffisante d’épanouissement ;
• La désolidarisation dans les domaines de la santé et du travail comme conséquence de la vision étroite et technocratique du monde des mâles dominants de la Silicon Valley ;
• La croissance drastique des inégalités en terme de pouvoir et de participation active à la vie sociale reste l’effet principal de ce que nous nommons l’offensive technologique.
Un vaste chapitre sur la résistance clôt le présent volume. Nous documentons les approches encourageantes d’une pratique affirmative en éclosion. Là scintillent les lueurs d’un désir d’autonomie rebelle et radicale contre une aliénation croissante. Ce faisant nous voulons aller à la recherche d’une relance de la critique pratique de la technologie. Il deviendra clair, que cela vaut la peine, d’élargir nos champs de possibilités et de laisser derrière nous la division dépassée entre des pratiques de résistance analogique et numériques.